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Les défis des RH | deloitte

Un levier de productivité et d’engagement des talents

Repenser le lieu de travail pour le 21e siècle

Luc Lespérance

Leader Québec, Futur du travail et Transformation de la main-d’œuvre, Deloitte Canada

De récentes études indiquent que près de sept employés américains sur dix sont activement à la recherche d’un nouvel emploi. En parallèle, près de trois employés sur quatre témoignent être démotivés par leur travail et à peine 44% recommandent leur employeur[1].

Plus près de nous, au Canada, la pénurie de main-d’œuvre et plus particulièrement la difficulté à attirer et retenir des travailleurs qualifiés sont telles que certaines entreprises doivent ralentir leur croissance et, dans certains cas, mettre la clé sous la porte faute de capacité. C’est ainsi que la rétention et l’engagement s’est hissée, au fil des dernières années, au sommet des priorités des PDG. En parallèle, l’accélération et la portée des changements, généralement de nature technologique, imposent un stress croissant chez nombre de travailleurs. En effet, deux tiers des employés indiquent se sentir dépassés par le rythme du travail et des nouvelles technologies.

Mais le progrès technologique est également source de compétitivité. À cet effet, notre économie est ralentie par un manque de productivité de près de 25% inférieur à celui des entreprises américaines. Cette situation pourrait devenir alarmante puisque le retard à investir dans de nouvelles technologies et de nouveaux modes d’organisation et de travail s’agrandit dans une ère de fractures – c’est-à-dire un monde où le changement est dorénavant constant et généralement perturbateur.

Le début des années 2000, à titre d’exemple, a été marqué par l’intégration de plateformes numériques au sein des entreprises. Ces dernières ont permis de faciliter le travail à distance, la collaboration entre fonctions et l’échange de données en temps réel. Plus récemment, la robotisation de certains processus et l’intégration graduelle de technologies cognitives permettent aux travailleurs de la connaissance d’atteindre de meilleurs résultats et challengent, pour certains, la notion même de l’emploi. Ces changements technologiques ont permis l’émergence de nouvelles interactions et induisent de nouveaux comportements. Ils participent, sans s’y limiter, à redéfinir les contours d’une expérience employé qui, plus que jamais, devient la pierre angulaire de l’engagement.

En réponses à ces enjeux d’affaires, il devient impératif de repenser le travail – sa nature, la façon dont il est organisé et opéré, mais également son lieu. Selon Deloitte, « la modification du lieu de travail est l’une des importantes mesures que nous recommandons compte tenu de l’avènement prochain de l’ère des fractures »[2].


 Par où commencer ?

Bien que l’aménagement du travail connait un intérêt croissant depuis quelques années, le lieu de travail moderne reflète souvent des principes de conception et de management hérités d’une autre époque. En effet, l’aménagement des premiers espaces de « bureau » remonte à l’ère industrielle et visait à soutenir le travail administratif nécessaire au suivi de la production. Ce travail, généralement transactionnel, nécessitait contrôle et supervision, d’où les bureaux de superviseurs, managers et dirigeants. Ces bureaux ont donc été construits en réponse à des besoins administratifs, en soutien à l’exécution de tâches structurées, répétitives et nécessitant peu d’interactions, reflet matériel d’une hiérarchie bien définie.


Conséquence de cet héritage, une étude de Harvard Business Review, « Why we hate our offices »[3], indiquait qu’en moyenne 85% des espaces de bureau ont une vocation individuelle et que seulement 5% des espaces de bureau ont une vocation collaborative. Cette proportion est troublante si l’on analyse la nature des tâches qui sont réellement effectuées dans l’entreprise.

En effet, le travail moderne est le fruit de connaissance et de créativité, les tâches sont de plus en plus complexes, non routinières et les interactions sont nombreuses, à la fois formelles et informelles. La hiérarchie tend à s’abaisser, du moins dans l’exécution du travail, pour favoriser une meilleure collaboration et une plus grande capacité d’innovation. Enfin, le travail est soutenu par des plateformes numériques, accessibles en tout temps et tout lieu, contribuant à brouiller les frontières de l’espace et du temps réservés au travail.


« Le lieu de travail moderne reflète souvent des principes de conception et de management hérités d’une autre époque. »

Bien qu’il n’existe pas de proportion idéale, il n’est pas rare de retrouver aujourd’hui, parmi les organisations les plus innovantes, des entreprises dont près de 50% des espaces sont à vocation collaborative. Par exemple, à la Tour Deloitte de Montréal, il existe deux types d’espaces de travail : individuel et collaboratif. La majorité de la superficie est affectée aux zones de collaboration pour des réunions formelles et informelles. Aucun espace n’est assigné et chaque employé travaille, par défaut, en mobilité. Ainsi, peu importe la position hiérarchique, chacun choisit l’espace qui lui convient le mieux parmi près de 20 types d’espaces tels que des postes de travail ouvert, des banquettes, des espaces privés, etc.

La formule Deloitte ne se limite pas aux aménagements. Elle s’inscrit dans une transformation beaucoup plus grande du cabinet, dont l’immobilier est un moyen. Lors de mandats de transformation similaires chez nos clients, nous recommandons généralement une stratégie articulée autour de quatre axes :

  1. L’immobilier
  2. Le capital humain
  3. Les technologies
  4. Le développement durable et le mieux-être

S’intéresser à un seul axe pourrait s’avérer risqué, puisqu’une réelle transformation du lieu de travail est un projet de longue haleine qui impacte bien plus que l’espace. D’ailleurs, ces projets démarrent généralement par l’établissement d’une vision holistique et une compréhension approfondie des besoins des employés. Menés à bien, ces projets représentent une occasion en or de matérialiser la culture et les valeurs d’une entreprise à travers des décisions d’architecture, de mobilier, de technologies et de gestion ressources humaines.

Enfin, les entreprises modernes qui décident d’entreprendre de telles transformations reconnaissent que le travail n’est pas qu’un lieu, mais un ensemble de tâches devant être soutenues, et que le lieu n’est pas uniquement synonyme d’espace, mais plutôt d’outil pour faciliter, simplifier et améliorer le travail. En réponse aux enjeux d’affaires actuels, elles comprennent l’importance d’attirer, retenir et engager les meilleurs talents, tout en accroissant leur productivité via l’aménagement d’un lieu de travail repensé pour le 21e siècle.



[1] Mental Health America and Faas Foundation (2017)

[2] Deloitte, « Il est temps d’apporter des changements au milieu de travail » (2016)

[3]Harvard Business Review, « Why we hate our offices » (2014)




Luc Lespérance, Leader Québec, Futur du travail et Transformation de la main-d’œuvre, Deloitte Canada


Luc est un aviseur de confiance pour les organisations en transformation numérique et organisationnelle. Son expérience, au Canada et à l’international, l'a mené à développer une expertise spécifique sur le travail du futur et l’expérience numérique de l’employé à travers plusieurs types d’industries.

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